Oui les communes sont propriétaires des compteurs

Linky : avec la bénédiction du Conseil d'Etat, les communes se font officiellement voler leurs compteurs d'électricité

Lundi 1er juillet 2019
Par Stéphane Lhomme
Conseiller municipal de Saint-Macaire (33)
Animateur du site web http://refus.linky.gazpar.free.fr

Rappels irréfutables

- Février 2018, Cour des comptes :  Les réseaux publics de distribution restent  la propriété des communes. Si l’EPCI possède tous pouvoirs de gestion sur le bien en vertu de l’article L.1321-2 du CGCT, il ne dispose pour autant pas du droit de l’aliéner. En lire plus

- En cas de transfert de compétence à un EPCI, les biens permettant l'exercice de cette compétence sont seulement "mis à disposition", sans transfert de propriété. En lire plus

- Commission de Régulation de l'Energie :
Les réseaux publics de distribution sont la propriété des communes. Celles-ci peuvent déléguer tout ou partie de leur compétence d’autorité concédante à des syndicats intercommunaux ou départementaux. Si elles n'assurent pas elles-mêmes, par le biais de régies, la gestion de leurs réseaux de distribution, les autorités concédantes la confient, par contrats, à un gestionnaire de réseau de distribution (GRD).  En lire plus

Tout le dossier "propriété des compteurs"


L'arrêt du Conseil d'Etat du 28 juin 2019 met gravement en danger le patrimoine des communes de France

C'est une particularité française : les compteurs d'électricité appartiennent aux communes. Pas seulement les compteurs des bâtiments publics mais tous les compteurs, y compris celui de votre propre habitation.

Mais, depuis le 1er décembre 2015, le distributeur Enedis (lucrative filiale d'EDF) a commencé à remplacer ces compteurs par un modèle communicant et vert fluo, le fameux Linky. Contrairement à ce qui a été écrit un peu partout, ce programme n'a pas été imposé par l'Europe, la directive concernée étant purement indicative.

C'est la Loi dite "relative à la transition énergétique pour la croissance verte" du 17 août 2015, portée par Ségolène Royale, qui a projeté le remplacement de la quasi-totalité des compteurs d'électricité, alors que la directive européenne suggérait de se contenter de 80% du total.

Mais, à la surprise des "élites" industrielles et politiques, qui croient toujours savoir tout sur tout et surtout être habilité à "faire le bonheur du peuple malgré lui", le fameux compteur vert fluo, grossièrement présenté comme "intelligent" pour faire bonne mesure, a été fortement rejeté un peu partout en France.

Non seulement d'innombrables particuliers ont souhaité garder leurs compteurs ordinaires, qui rendent parfaitement service et peuvent encore durer des décennies, mais, à la suite de Saint-Macaire (Gironde), près de mille communes ont aussi décidé de refuser la pose des Linky.

Face à cette fronde imprévue, les juristes d'Enedis ont cherché un subterfuge pour tordre le bras de ces municipalités récalcitrantes. Or il se trouve que, en très grande majorité, les communes françaises ont transféré leur compétence de distribution de l'électricité à un Syndicat départemental d'énergie (SDE). Il en existe en effet dans chaque département, ils portent des noms divers mais nous les désignerons par SDE pour faciliter le propos.

Les présidents de ces SDE étant en quasi-totalité dans la main d'Enedis, les mauvaises langues diront que c'est pour garder la confortable indemnité qui accompagne cette fonction, Enedis a purement et simplement décrété que les compteurs d'électricité n'appartenaient plus aux communes mais aux SDE qui, eux, se gardent bien de s'opposer au déploiement des Linky.

Aucun texte officiel n'actant - et pour cause ! - de ce transfert de propriété, un pauvre subterfuge a été trouvé : Enedis a mis en avant le premier alinéa de l'article l’article L. 322-4 du code de l’énergie et le deuxième alinéa du IV de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, et a décrété que la combinaison de ces deux articles impliquait que les compteurs appartenaient désormais aux SDE.

Le premier texte dit que les compteurs "appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements" (les SDE) et le second que "L'autorité organisatrice d'un réseau public de distribution, exploité en régie ou concédé, est la commune ou l'établissement public de coopération auquel elle a transféré cette compétence" (le SDE) : on peut combiner ces textes de toutes les manières et en tous les sens, à aucun moment on n'arrive à la conclusion souhaitée par Enedis.

C'est avec un argumentaire aussi grossier qu'Enedis s'est présenté devant les tribunaux administratifs pour faire annuler les décisions municipales… et y a obtenu gain de cause ! Il est vrai que, en France, c'est encore et toujours EDF et ses filiales qui font la pluie et le beau temps.

Ces décisions absurdes ont été ensuite confirmées devant diverses Cours administratives d'appel et enfin, le 28 juin 2019, par le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction de la justice administrative.

A la grande surprise des citoyens et élus opposés aux Linky, accordant naïvement une grande compétence et indépendance aux juges du Conseil d'Etat, ces derniers se sont contentés d'un pauvre arrêt de quelques lignes comprenant la formule "magique" inventée par Enedis : "Il résulte de la combinaison des dispositions précitées…", à savoir les deux articles désignés ci-dessus. Il nous est avis que, sous une pluie battante, ces gens là sont parfaitement capables de décréter qu'il fait beau. Ou l'inverse si les intérêts industriels l'exigent.

Il est pourtant notable que, dans son rapport de février 2018 (qui montre que le financement du programme Linky va rapporter énormément d'argent à Enedis et sa maison mère EDF, au détriment des usagers), la Cour des comptes a bien précisé que les compteurs "restent néanmoins la propriété des communes", même quand elles "confient, le cas échéant en déléguant leur compétence à des SDE, la gestion des réseaux de distribution".

Mais la justice administrative s'est alignée sur le grossier subterfuge d'Enedis. Or l'affaire dépasse de loin les innombrables problèmes générés par les compteurs Linky (surfacturations, dysfonctionnements divers, captation de données sur la vie privée, risques avérés d'incendies et controverse sanitaire concernant les ondes, etc.) : c'est aussi du patrimoine des communes de France qu'il s'agit.

Très concrètement, avec la bénédiction du Conseil d'Etat, les communes sont littéralement en train de se faire voler leurs compteurs d'électricité, ce qui est totalement inadmissible. De plus, s'il n'est pas remis en cause, ce coup de force pourra être réédité concernant d'autres éléments de patrimoine.

Les 36 000 maires de France vont-ils se laisser dépouiller sans réagir ? Il est vrai que l'Association des maires de France a pris fait et cause pour Enedis et non pour ses communes adhérentes.

Notons toutefois que, dans l'attente d'un éventuel sursaut des élus, et contrairement à ce qui est prétendu par Enedis, par le gouvernement, et par certains médias, les particuliers peuvent parfaitement s'opposer individuellement à la pose du compteur Linky.

En effet, les compteurs ordinaires sont parfaitement légaux, ayant été installés et mis en service par Enedis ou son ancêtre Erdf, voire par EDF qui, à l'époque, était un vrai service public… au service du public et non à la solde des intérêts industriels et privés qui se délectent déjà des énormes profits que vont leur permettre de faire les compteurs Linky au détriment des usagers, déclassés au rang de clients, sommés de se taire et de payer.

Depuis 3 ans et demi, d'innombrables collectifs se battent partout en France contre le programme Linky, lequel n'en est après tout qu'à mi-chemin et qu'il donc est encore temps de faire dérailler, pour préserver les valeurs du service public, les droits des citoyens... et le patrimoine des communes.


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Bien cordialement
Stéphane Lhomme
Conseiller municipal de Saint-Macaire (33)
Animateur du site web http://refus.linky.gazpar.free.fr


Date de création : 01/07/2019 19:53
Catégorie : Stéphane Lhomme - Justice
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