Vulnérabilité de notre monde électrique

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Comment la France a évité de peu une panne électrique géante

Par Luc CHAILLOT | Publié le 14/01/2019
https://www.ledauphine.com/france-monde/2019/01/14/comment-la-france-a-evite-de-peu-une-panne-electrique-geante

Un exemple parmi tant d'autres de la vulnérabilité de notre monde électrique ; vulnérabilité physique, différente de la cyber-insécurité. Les compteurs communicants ajoutent une couche d'entropie à cette méga-machine et ce, d'autant plus que chaque pays déploie son propre système. (En Angleterre, c'est entièrement en GPRS, comme pour le Gazpar en France)

Un aperçu global sur wikipédia


L'Allemagne et l'Autriche dont la cause est encore inconnue. Photo Julio PELAEZ

Une grosse panne de courant, comme celle de novembre 2006, a été évitée de justesse jeudi. Un problème d’interconnexion entre l’Allemagne et de l’Autriche a failli entraîner un effet domino en France. Explications.

Que s'est-il passé ?

La France et l’Europe sont passés très près de grosses coupures d’électricité, voire d’un "black-out", jeudi dernier vers 21 heures. Le pire a pu être évité, grâce notamment à une réaction très rapide de la France. Pour la première fois, l’Hexagone a déclenché le dispositif d’interruptibilité prévu en cas de déséquilibre entre consommation et production.

Comment en est-on arrivé là ?

Il n’y avait pas de problème d’équilibre en France, où les moyens de production étaient largement suffisants pour répondre à la demande d’électricité, plutôt faible en ce moment en raison de températures plutôt clémentes.
 

Le déséquilibre venait d’ailleurs. Jeudi, la brutale chute de fréquence du système électrique français et européen, passée très en dessous de 50 Hz, a été provoquée par un problème d’interconnexion entre l’Allemagne et l’Autriche. Une enquête européenne est en cours sur l’origine de cette panne qui a eu un effet domino car le réseau électrique européen est très interconnecté.

Comment le black-out a été évité ?

A 21h02, RTE, le gestionnaire français du réseau électrique haute tension, a fait appel à six sites industriels gros consommateurs d’électricité qui ont immédiatement arrêté leurs installations. Cette mesure salutaire a diminué d’un seul coup la demande en électricité de 1500 MW (mégawatts), soit l’équivalent de la consommation de l’agglomération de Lyon en plein hiver.

Une première en France. Les industriels concernés ont pu redémarrer leur production au bout de 45 minutes, lorsque tout risque de "black-out" a été écarté. Au total, 22 sites très gourmands en électricité se sont portés volontaires pour "s’effacer" du réseau à tout moment en cas de besoin, en contrepartie de compensations financières.

L’interruptibilité n’avait encore jamais été utilisée en France, même pendant les pointes historiques de consommation électrique des hivers 2010, 2012 et 2018.
Loin du pic de consommation de l'hiver 2012

Jeudi soir, la demande d’électricité qui s’élevait à 77800 MW était très loin du record de 2012, lorsque la consommation avait dépassé les 100000 MW lors d’un épisode de froid intense.
Les échanges électriques de la France ce lundi 14 janvier. Source : RTE (Réseau de transport d'électricité).
Les échanges électriques de la France ce lundi 14 janvier. Source : RTE (Réseau de transport d'électricité).
En novembre 2006, cinq millions de foyers dans le noir à cause d'un paquebot

L’incident de jeudi soir est passé inaperçu pour les consommateurs mais il rappelle la gigantesque panne d’électricité qui avait plongé une partie de l’Europe dans le noir le 3 novembre 2006. Dix millions de foyers européens dont cinq millions en France avaient été privés d’électricité pendant une heure à deux heures environ.

Les délestages avaient failli conduire à un effondrement total du réseau électrique en Europe. Ce réseau est très interconnecté comme on peut le voir sur cette carte qui montre les importations et exportations d'électricité aujourd'hui en France.

Ce quasi "black-out" avait été provoqué par la coupure volontaire de deux lignes à haute tension de 400 000 volts franchissant la rivière Ems en Basse-Saxe, en Allemagne, pour permettre à un paquebot de croisière de quitter un chantier naval et de rejoindre la mer du Nord.

Cette rupture d’approvisionnement entre l’Est et l’Ouest de l’Europe avait déséquilibré le réseau électrique. La France avait dû utiliser en urgence plusieurs barrages hydroélectriques pour stabiliser le réseau.

A l’époque, des experts avaient estimé à près de 5 milliards d’euros pour la France les pertes économiques si la panne géante de novembre 2006 avait débouché sur un "black-out" d’une durée de 24 heures.


Des mesures graduelles avant les coupures de courant

En cas de risque de déséquilibre entre la production et la demande d’électricité, RTE, le gestionnaire du réseau haute tension, prévoit plusieurs scénarios graduels pour éviter un "black-out".

D’abord un appel aux gestes citoyens qui permettent de faire des économies d’énergie et donc de réduire la consommation de plusieurs centaines de mégawatts. Par exemple, différer l’usage d’un lave-linge ou d’un lave-vaisselle pendant les heures creuses, baisser le chauffage d’un ou deux degrés, ou encore éteindre tous les appareils en veille.

Ensuite, RTE peut avoir recours à l’interruptibilité de gros consommateurs industriels sélectionnés par appel d’offres. C’est le mécanisme qui a été déclenché jeudi soir, avec succès.

La filiale d’EDF peut également décider de baisser de 5% la tension sur les réseaux de distribution. Cela permet de diminuer temporairement la consommation sans entraîner de coupure. Mais cette mesure rend les appareils électriques moins performants, voire dans certains cas les endommager.

En dernier recours, le gestionnaire du réseau haute tension peut déclencher des coupures de courant momentanées, localisées et tournantes afin de minimiser l’impact sur le consommateur.

L.C.
Par Luc CHAILLOT | Publié le 14/01/2019 à 18:47 | Vu 2338 fois


Date de création : 12/03/2019 11:23
Catégorie : - Propagande
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